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Changements climatiques

Anticiper sur la menace de l’invasion acridienne et de la chenille légionnaire

Après plusieurs mois d’alerte, les risques d’invasion acridienne en Afrique de l’Ouest se précisent. Dans le même temps, la chenille légionnaire d’automne qui s’attaque aux cultures céréalières, le maïs en particulier, est désormais présente dans la plupart des pays de la région. Sans une réaction rapide, ces deux menaces pourraient affecter sévèrement les cultures et les pâturages, accroitre la dépendance alimentaire et augmenter la vulnérabilité des populations à l’insécurité alimentaire et nutritionnelle.

A la crise sanitaire du coronavirus et à l’insécurité civile dans la région vient s’ajouter la menace d’une invasion imminente de criquets pèlerins et de la chenille légionnaire. Des données disponibles annonçaient en effet, l’arrivée des criquets pèlerins au Tchad à la fin de ce mois de juin. A partir d’une reproduction rapide dans le Sahel, toute la région ouest africaine pourrait être impactée. Ces acridiens provoqueront des dégâts importants sur les pâturages et les cultures de subsistance pluviales avec des menaces sérieuses sur les récoltes.

On estime à près de 9,3 millions les personnes supplémentaires qui pourraient basculer dans la phase 3 et plus (crise à pire) du Cadre harmonisé à partir de juin 2020, portant à 26,3 millions le nombre de personnes en crise au niveau des zones d’analyses exposées aux criquets : Tchad, Cameroun, Niger, Nigéria, Burkina Faso, Mali, Sénégal, Gambie et Mauritanie.

Cette autre préoccupation régionale a amené la Cedeao à convoquer en urgence le 10 juin dernier, en collaboration avec la Commission de l’Uemoa, le Cilss, la FAO et la Commission de lutte contre le criquet pèlerin (CLCPRO), une réunion ministérielle par vidéoconférence sur la menace acridienne et la chenille légionnaire en Afrique de l’Ouest et au Sahel.

Les discussions ont ainsi permis d’obtenir un consensus sur le diagnostic des risques d’invasion et sur le contenu de la riposte : (i) surveillance et alerte, (ii) préparation des capacités d’intervention, (iii) protection des moyens d’existence des populations. Cette revue de la situation a également permis de s’accorder sur le principe d’un plan de réponse régional permettant de renforcer la résilience des populations déjà fragilisée par la Covid-19. Les pays sont invités, à cet effet, à faire parvenir sans délais, à la Commission de la Cedeao leurs plans respectifs de riposte. Le plan régional de riposte devra faciliter la mobilisation des ressources financières auprès des partenaires au développement.

D’ores et déjà, l’AFD a octroyé 1 million d’euros supplémentaire pour contribuer au financement du plan d’actions, portant à 3 millions d’euros son appui à la lutte contre la menace acridienne. De plus, en tant que chef de file des partenaires de l’Ecowap, elle réitère sa disponibilité à appuyer la Cedeao dans ses efforts de coordination de la riposte au niveau régional. La Banque mondiale, quant à elle, met à la disposition de l’Afrique une enveloppe de cinq cents (500) millions de dollars américains pour développer la prévention et la lutte. Le Maroc reste disponible pour répondre à toute demande d’assistance des pays. La FAO et la CLCPRO qui réunit les pays de la ligne de front (nord africains et sahéliens) ont déjà débloqué 2 millions de dollars américains pour la préparation de la lutte.

Les conclusions de cette réunion ministérielle permettront de préciser davantage le plan de riposte déjà élaboré par la FAO et la CLCPRO d’un coût de 50 à 75 millions de dollars américains reposant sur trois principaux axes, à savoir (i) freiner la progression du criquet pèlerin, (ii) protéger les moyens d’existence et le relèvement rapide des populations vulnérables et (iii) coordonner la riposte.

Concernant la chenille légionnaire, la réunion recommande de redoubler d’efforts pour mobiliser les ressources disponibles auprès des partenaires financiers, la Banque africaine de développement, notamment.

Au regard des efforts engagés par la plupart des pays, la recherche, la formation et l’appui aux producteurs, le partage des bonnes pratiques, la mutualisation des résultats de la recherche, la redynamisation du dispositif régional de veille, entre autres, constituent des domaines importants de coopération à promouvoir.